Témoignage de Pauline Pecquet : « L’inclusion c’est faire en sorte que les publics, quels qu’ils soient, se disent que la porte est ouverte »

Publié par Ombelliscience -, le 5 décembre 2025

Pauline Pecquet est chargée de projets à l’association A Petits pas située à Ruisseauville (62). Dans le cadre de sa participation à la formation-action "Sciences pour Toutes et Tous" coordonnée par Ombelliscience, Pauline Pecquet a été interviewée par Ombelliscience le 13 octobre au sujet de son cheminement vers plus d’inclusion dans ses pratiques professionnelles.

Marie Lemay pour Ombelliscience : Pouvez-vous présenter votre structure en quelques mots et expliquer en quoi elle a un lien avec la culture scientifique ?

Pauline Pecquet : A Petits Pas est une association d’éducation populaire de bientôt 30 ans implantée en milieu rural. Nous faisons de multiples activités : sensibilisation à l’environnement, tourisme, culture, aide à la création d’activité et entreprenariat. La première salariée est arrivée en 1999 et aujourd’hui nous sommes une vingtaine de salarié·es et l’association a une deuxième antenne à Sains du Nord (59). Dans le cadre de ses activités d’éducation à l’environnement, A Petits Pas réalise des animations, ateliers, formations auprès de tous publics. La plupart du temps, il y a un lien avec la transition écologique et nous essayons de transmettre des connaissances liées aux sciences actuelles pour informer sur l’état de l’environnement. Depuis 4 ans, nous organisons aussi des conférences avec des scientifiques qui viennent une journée ou plusieurs jours présenter leurs recherches auprès de cours moyens, de collégiens et lycéens ainsi que du grand public. L’objectif est de démocratiser les sciences et de montrer qu’elles sont accessibles à toutes et tous.

ML : C’est quoi pour vous l’inclusion en général ?

PP : L’inclusion c’est ce qu’on souhaiterait atteindre.

« C’est l’idée que, quelle que soit l’activité, on soit ouvert à tout le monde et qu’il y ait une mixité des publics : être autant ouvert à des publics porteurs de handicaps qu’à la différence en termes de genre ou d’origine. C’est faire en sorte que les publics, quels qu’ils soient, se disent que la porte est ouverte et que cette association leur permet de faire des activités.»

ML : Selon vous, les sciences sont-elles naturellement inclusives ? Pourquoi ?

PP : Non. Les sciences, comme bcp de milieux, sont très genrés. Aux yeux du grand public, il y a l’idée qu’à la base ce sont les hommes qui font des sciences… Quand on parle de sciences on imagine un homme avec la blouse blanche, même si on s’aperçoit qu’il y avait des petites mains derrière eux : des femmes. Il y a une exclusion par l’Histoire. Cela n’est pas dû aux sciences en tant que telles, mais au monde en général et à notre société. Et sur les autres exclusions [sociales, ethno-raciales], je pense que ce sont les mêmes clichés qui persistent. Après, ça change : les sciences tendent à devenir plus inclusives. C’est la société qui a besoin de progresser sur plein de sujets dont les sciences.

ML : Au sein de votre structure, quel a été le 1er pas concret pour être dans une démarche plus inclusive ?

PP : Depuis sa création, à l’association A Petits Pas c’était un souhait d’être inclusif. Par exemple, dans le bâtiment on a fait des travaux et créé une extension pour l’accessibilité. Et sur les questions de genre et d’origine, ça fait partie du cœur de métier et des statuts de l’association d’inclure les publics exclus socialement dans les actions menées. Il y a ainsi eu des « camps chantiers » pour fabriquer le préau ou le four à pain, avec une mixité de personnes qui y ont participé. Et puis, une fois que la culture a fait partie de nos activités, nous avons favorisé l’ouverture sur l’autre, sur le monde… L’autre cheminement s’est fait avec « Sciences pour toutes et tous ». Comme on est une association d’éducation populaire, on a envie de faire « avec » le public… Mais notre mode de financement par subventions nous entrave dans la capacité à associer les publics à la construction des projets. Avec SPTT, ça nous a permis de le faire à nouveau et de nous demander comment les réimpliquer ? Comment mieux communiquer avec eux ? Car on peut toujours s’améliorer dans nos manières de faire.

ML : Que vous a apporté l’accompagnement par Ombelliscience et le collectif de professionnel·les qui se forment à vos côtés dans le programme "Science pour toutes et tous" ?

PP : La formation SPTT nous a permis de nous demander où on en était sur l’inclusion. Ça nous a permis de remettre les choses à plat, d’être mieux éclairés sur les questions d’exclusion et de nous poser sur cette question en étant accompagnés pour le faire.

Grâce à SPTT, nous avons fait un diagnostic de nos actions et nous avons été outillés pour avancer. Je me suis servie des outils d’animation de réunion, des idées de brise-glace mais aussi de la méthode d’analyse de projet « Kadeïloscope » pour analyser la façon dont on fait les choses et voir où on peut les améliorer. Et même pour nous, pour transmettre en équipe ensuite, c’est utile ! On a maintenant une belle mallette d’outils et d’échanges d’expériences dont s’inspirer : le témoignage de Christelle Sohier des Pas Sans Nous a résonné avec des projets que j’aie pu mettre en place mais qui n’étaient pas adaptés aux habitant·es. Celui de la Caravane des Médias était aussi riche en ce qu’il a montré comment réajuster un projet en cours de route. Dans SPTT, il y a eu beaucoup d’échanges avec les structures participantes : le réseau de professionnelles créé autour de l’inclusion a été un outil.

Ça a permis de demander aux autres : « j’ai cette problématique, que feriez-vous à ma place ? » ou de rencontrer des gens avec lesquels on ne travaillait pas avant. Ça génère des envies, des idées de sorties culturelles pour les publics et ça donne vraiment une impulsion. Ce sont des échanges hyper riches !

ML : Si c’était à refaire, que feriez-vous différemment… À votre niveau, au sein de votre structure, et au niveau de l’accompagnement proposé par Ombelliscience ?

PP : C’est déjà très complet. Les déroulés de journées, les timings que vous avez tenus : tout ça était fluide, tout était bien ficelé et ça a permis de donner la parole à toutes et tous. Vous avez utilisé des outils de gestion de prise de parole qui ont fait que l’inclusion on la ressentait aussi dans l’animation de la formation. Ça c’est plutôt fort de votre part d’arriver à ça.Et le fait que l’équipe salariée d’Ombelliscience fasse aussi la formation et soit impliquée en bonne partie, c’était bien : vous appreniez en même temps que nous. Ce qu’on pourrait améliorer, c’est être plus tôt dans l’action : impliquer les publics exclus des sciences dès le début, à notre échelle à nous, et pouvoir le prévoir en avance. Dire dès la 1ère année « vous allez rencontrer des publics exclus ». Réfléchir à la manière d’outiller les structures dès le début pour identifier leurs publics exclus et les inciter à travailler avec. Ça permettrait d’avancer plus loin en trois ans. Enfin, moi, personnellement, j’aurais aimé avoir du temps pour me replonger dans les ressources que vous avez données et les outils que vous avez proposés.

© Clément Foucard